L’autre jour, je me faisais charrier par mon boucher qui disait que de nos jours, « deux enfants et on est débordé ». La cliente fidèle qui venait d’entrer, toute frêle sous le poids de ses –allez, voyons large– 80 balais confirme, ayant eu elle-même 6 garçons et 7 filles. Le boucher m’adresse un regard narquois…« Découpe ta bidoche et fais pas chier » me vient à la bouche, mais je suis une fille polie (putain, c’est juste un dérivé de la virgule, ce n’est pas un gros mot, donc ça ne compte pas) et je me contente de sourire connement, la petite main d’Arthur au chaud dans la mienne.
Alors non, avec mes deux broutilles d’enfants, je ne peux pas me permettre de dire que je suis débordée. Je suis simplement incommodée, pour parler comme dans l’temps. Parfois incommodée puissance dix mille, mais ça va. Je gère.
Par contre, plusieurs fois depuis que je suis maman, j’ai eu l’occasion de remarquer un truc, c’est que les enfants sont des révélateurs. Des révélateurs de tout ! Dès qu’un enfant agrandit la famille (qui n’était composée que du couple jusque là) par exemple, tu découvre ton conjoint d’une toute autre manière. Bonnes ou mauvaises, ça te réserve toujours des surprises. Mais là n’est pas le sujet !...
Avec l’arrivée d’un enfant, disais-je, tu réalises surtout ce qui se cachait au fond de toi et qui n’attendait que le brailleur en puissance pour te sauter à la face.
Et moi, ben je crois que je suis hypocondriaque.
Hypocondriaque modérée ; je n’ai pas le Vidal caché sous mon lit, hein.
Le verdict m’est tombé dessus ce matin, alors même que je me disais qu’à 26 ans, il serait temps de faire un check-up régulièrement. Pour être sure.
Parce que dès que j’ai un pet de travers, c’est sur, c’est une gastro, c’est l’appendicite, c’est ma tumeur au cerveau, enfin c’est quelque chose qui va m’empêcher d’être dispo pour mes fils. C’est l’angoisse, ça me file la gerbe, je suis oppressée par des visions d’horreur, des scénarios catastrophe ; bref, je panique, quoi.
En même temps, faut voir à quoi ressemble le quotidien. Entre celui qui régurgite partout où il passe et laisse à côté de lui des flaques grumeleuses ; qui puent le digéré et la bile quelque soit l’heure du jour ; qui remplit ses couches dès qu’il a finit de manger ; qui a toujours les bronches encombrées ou la conjonctive inflammée (ça se dit pas ? et alors ?) ; et puis celui qui renifle pour signifier qu’il veut qu’on le mouche, qui jette ses mouchoirs dans le chiotte, qui me tousse dessus, qui essuie ses crottes de nez dans ses tee shirts, qui apprend la propreté et fait trois gouttes sur le pot (quand il vise bien) toutes les dix minutes, franchement, je suis en première ligne face aux bactéries.
Je sais pas d’où vous sortez que les bébés ça sent bon, parce qu’ici, sauf à l’heure du bain, ça sent la mort. Et les mauvaises odeurs, moi, j’y suis sensible. Surtout à jeun le matin. Alors à moins de vivre avec un masque sur le nez, comme en cas de grippe A (mais au bout de dix minutes, j’étouffe), je ne vois pas comment éviter d’avoir la nausée à chaque change de couche bien lestée, à chaque rot d’Antoine en plein dans mes narines, à chaque « caca pot-pot » qu’Arthur porte à bout de bras, partout derrière moi, fièrement, le slip au chevilles ; ou encore à chaque tee shirt que je dois quitter en évitant de me foutre du vomi plein les cheveux.
Je ne supporte même plus de regarder un film d’horreur tellement je prends tout au premier degré, maintenant.
Enfin voilà, moi je suis sûre que c’est Jules Romain qui a raison : « Les gens biens portants sont des malades qui s’ignorent » Et je vous conseille ce film, d’après la pièce du susnommé, Knock ou le triomphe de la médecine, avec le formidable Louis Jouvet. C’est un bijou !