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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 22:36

LME. 3 lettres loin de mes préoccupations.

La loi sur la modernisation de l’économie. J’en avais même pas entendu parler. Est-ce moi qui suis vraiment à la traîne ou est-ce qu’il n’y aurait pas aussi un manque d’information de la part des médias ? C’est vrai, c’est quoi ce journal qu’on nous sert tous les soirs ? Pujadas nous avoue même qu’on fait des reportages avec du vent : « autant le dire, il y a plus de questions que de réponses » (à propos des pratiques d’espionnage)

Non mais c’est ma faute. Je savais que j’aurais du écouter France culture, ou regarder la 5 plus souvent. Shame on me. Encore que France 2 est une chaîne publique ; donc si on nous prenait pas pour des cons, on aurait de vraies infos à la télé. Mais ça en arrange plus d’un qu’on sache rien.

Dans le cadre de cette LME, deux députés (UMP) souhaitent modifier un amendement de la loi Lang.

Petit mémo, la loi Lang c’est celle qui a établie en 1981, le prix unique du livre en France. Grâce à cette loi, le prix des livres est fixé par l’éditeur, et chaque détaillant ne peut y appliquer qu’une remise maximum de 5%. Les soldes de livres font l’objet d’un amendement précis, et c’est précisément celui qui est remit en cause aujourd’hui.

Pour préserver la diversité des points de vente de livres en France (de la librairie indépendante à la grande surface spécialisée type Fnac, en passant par la maison de la presse ou encore les sites Internet) le solde d’un livre n’est possible que lorsque celui-ci est paru depuis plus de deux ans, et que le vendeur le possède depuis plus de six mois, facture pour preuve.

Messieurs Kert et Dionis du Séjour veulent faire passer ce délai de deux ans à un an ; voire six mois.

Si cet amendement est voté, c’est la mort programmée, et assurée, de la librairie indépendante. Car contrairement à l’affirmation de Dionis du Séjour, la durée de vie moyenne d’un livre n’est pas de 3 mois. Enfin tout dépend du lieu de vente. Bien sur que plus on se rapproche de la Fnac, plus cette durée de vie est courte, puisque 80% de son stock est composé de best seller et autres ventes express. Mais la librairie de quartier, le principal de son stock, ce sont des livres parus depuis plus de 6 mois. Alors autoriser les prix cassés dès 6 mois, ou même un an, c’est garantir aux libraires la fin de leur métier.

Voilà une belle absurdité du système. Comment peut-on laisser des encravatés voter des lois, ou les modifier, alors qu’ils n’ont aucune qualification dans le domaine concerné, alors qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent ?

Si cet amendement est voté, c’est un pan entier de la culture qui va s’effondrer. Comment ne pas imaginer que derrière cette modification, et plus largement derrière toutes celles prévues par la LME, se cache une conspiration ?

Je m’apprête à lire L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes, de Jean-Claude Michéa. Son livre tend à démontrer que l’échec des réformes scolaires, depuis trente ans, est voulu, et qu’avec ces réformes, on souhaite former de parfaits agents économiques plutôt que des individus dotés d’une intelligence critique.

Si cet amendement est voté et que les librairies disparaissent, qui seront les représentants publics de la diversification culturelle ? Que deviendra la place du livre dans notre société ? Combien de fois plus compliqué sera l’accès aux livres ? Qui prendra la peine de chercher sur les sites Internet de vente de livres des bouquins « vieux » de 6 mois ? Même à prix cassé ?

Il n’y a pas que la librairie qui souffrirait de la modification de la loi Lang. L’effet boule de neige serait inévitable. S’il n’y a plus de librairie, les représentants n’auront plus autant de points de ventes à visiter, donc moins de boulot. Les éditeurs ne pourront plus constituer leur catalogue avec du fonds, ce sera la course aux best seller, encore plus que maintenant ; et contrairement aux idées reçues, le prix des livres augmentera forcément pour compenser les soldes rendus possibles après 6mois ou un an de parution. Les écrivains dont les tirages ne dépassent pas les 10000 exemplaires (et ils sont nombreux) ne seront plus publiés. Les lecteurs n’auront plus que du Lévy ou du Nothomb à se mettre sous la dent. Ce qui n’est pas mal, mais largement pas suffisant non plus. Et comment seront rémunérés les auteurs, déjà mal payés, si le prix de leurs livres n’est pas fixe ? Et s’il n’y a plus de librairies, qu’est-ce que je ferais ?

Ben je commanderai sur Amazon. Où croyez-vous que j’ai acheté mon dernier bouquin ?

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commentaires

C
oui c'est vrai ! ( ceci est mon commentaire pro à moi !) vive Arhur
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J
Je ne connaissais pas ce volet spécifique du projet de loi. Mais cette LME appliquée au marché du livre renforce le monopole déja bien installé du groupe Lagardère et accèlére la fin programmée de la diversité.<br /> "Ainsi, la domination du groupe Lagardère <br /> s' exerce sur tous les acteurs de l' édition<br /> (libraires, auteurs, médias, autres éditeur).<br /> Elle rend plus efficaces -donc plus rentables<br /> pour un groupe multinational- des politiques <br /> centrées sur le marketing qui transforment la façon de faire un livre, les critéres de sélection des auteurs et des manuscrits et qui<br /> conduisent à l' uniformisation de l' offre."<br /> Janine et Greg Brémond, "l' édition sous <br /> influence",liris,Paris,2002.
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A
<br /> Merci Jules, pour cette référence très pro, très appropriée aussi.<br /> J'en profite pour compléter mon article avec deux renvois:<br /> D'abord l'amendement tel qu'il a été rédigé par monsieur Dionis du Séjour.<br /> Ensuite la réaction de la SGDL (société des gens de lettre), du SNE (syndicat national de l'édition) et du SLF<br /> (syndicat de la librairie française) réunis; suite à l'annonce de la volonté de modifier la loi.<br /> C'est toujours intéressant.<br /> <br /> <br />