Il y a un an, mon ventre était tellement rond que je ne voyais plus mes doigts de pieds en baissant les yeux.
Au même moment, la responsable du courrier des lecteurs du magazine Muze tergiversait pour éviter de publier le poème envoyé par Jérôme.
L’envie d’écrire lui était venue alors qu’il poussait fort tout en lisant cette double page du mensuel consacrée aux écrits des lecteurs, et qu’une fois encore, il se désolait devant de telles médiocrités. Après avoir tiré la chasse, il laissa donc parler son génie, pour nous pondre un poème incisif.
Après quelques échanges platoniques entre elle et lui, sa poésie tombait aux oubliettes, ou plus certainement dans les archives du magazine.
12 mois plus tard, soit dernièrement, dans la boîte aux lettres, un mot de la journaliste, lui annonçant qu’il se trouvait dans le numéro du mois de mars !
5.90 euros en poche –la culture, c’est définitivement pas accessible à toutes les bourses– on fît un crochet par la maison de la presse, pour acheter la revue.
La suite de cette histoire transpire le pessimisme. Amateur du monde merveilleux des Bisounours, t’abstenir.
Jérôme de retour sur le siège passager de notre super Panda, je redémarrais pendant qu’il ouvrait le magazine par la fin, et c’est à partir de ce point qu’on alla de déception en déception.
Deux déceptions, donc.
D’une, l’un de ses vers a été malmené au point qu’au milieu des autres il n’ait plus aucun sens.
De deux, un sous-titre a été rajouté pour inciter le lecteur à ne pas se vexer.
Je passe sur la fureur légitime de Jérôme.
L’inattention au recopiage, passe encore. Bien que celle qui recopie devait avoir la tête sacrément à l’envers à ce moment là. Et que celle qui relit avant d’envoyer à l’impression ait dû être déjà bien alcoolisée pour laisser passer ça.
Mais alors le sous-titre ?!?
« (Ou une attaque en règle à prendre au second degré) »
Ou comment je protège mes petits bébés lecteurs trop sensibles.
Ou encore oui je suis une journaliste frileuse d’un magazine culturel qui n’assume que ce qui est lisse et ne déborde pas. Genre Céline c’est bien, mais il est antisémite, quand même.
Pour être libre d’expression aujourd’hui il ne faut pas dépasser la ligne. Ne pas sortir du cadre imposé. Etre bien pensant et éviter l’honnêteté. Aimer son prochain ou se taire.
Pour être un journaliste ayant droit d’exercer, il est de rigueur d’être fade et bien pensant. Oublier d’être original, ou alors se démarquer, mais toujours poliment.
Marre de la pensé unique. Marre des journalistes qui n’en sont pas, qui ont oublié de prendre des risques, de se mouiller, d’avoir des couilles et d’assumer.
La journaliste de Muze fait dans la demi-mesure, et
je déteste ça. Qu’elle accepte de choquer en publiant, ou qu’elle dise non à Jérôme, et qu’on en parle plus. Au lieu de ça, elle s’est accordé la liberté de modérer un texte qui ne lui appartient
pas. Toute sa faiblesse tient dans cette parenthèse, et moi, ça me débecte.
Et sinon, vous, ça va?